Que
Le vent eclectique
Par Legolas
Mais encore ?
Musique, informatique, divers
Depuis le 12-11-2004
Monde extérieur
Vefblog.net
Vef Blog accueilgribouillé 23-02-2005 à 23:30:26
Sculptures de Notre Dame de Paris et symbolisme
Sur le côté gauche de la cathédrale Notre Dame de Paris, il y a une porte avec des scultures au dessus. Autant les lignes du bas et du haut ont un sens évident, autant celle du milieu me plonge dans une profonde perplexité. Je suis passé souvent la contempler ces dernières années, et j'ai trouvé mon interprétation. Eventuellement, dites-moi la vôtre !
Les statues des cathédrales gothiques ont été réalisées par les bâtisseurs des cathédrales très initiés à la symbolique (puisque tel était leur métier). Beaucoup de statues représentent des personnages ou des scènes de la bible, mais il y a aussi plusieurs symboles païens : animaux, personnages rocambolesques, bêtes mythiques et démons (voir par exemple les symboles païens de la cathédrale de Chartes). Ainsi, je suis sûr que chaque détail veut dire quelque chose, que rien n'est dû au hasard dans la symbolique.
Examinons la série de statues du milieu. On peut voir quatre scènes différentes, qui doivent sûrement raconter une histoire. Sur les quatre, trois mettent en jeu trois personnages, toujours les mêmes, et l'un de ces personnages est un démon. Mon interprétation est que un de ces personnages représente l'homme, le démon représente son côte bestial, instinctif, et le dernier représente sa part divine, c'est à dire Dieu.
Mais je ne comprend pas ce que raconte la progression de ces quatre scènes de gauche à droite. En effet, on a l'impression que ca commence bien, et que ca finit mal, que ca ne veut rien dire. Alors je pense qu'il faut l'interpréter de droite à gauche, c'est en tous cas mon interprétation.
Voyons donc ce que nous dit cette suite de scultures interprétée de droite à gauche :
Dans la première scène, l'homme est entouré de sa partie divine et de son démon. Il est tourné vers le démon. Mais il est en conflit, et veut frapper le démon, avec un crucifix ou une épée qu'il tient à l'envers. L'ange, lui, ne peut rien faire, et prie douloureusement devant cette scène.Je pense qu'il s'agit d'une épée à l'envers que d'un crucifix, mais dans les deux cas c'est bien mal tenir l'objet. (Sur la photo on dirait une croix, mais en vrai j'ai plutôt l'impression que c'est une épée) Si c'est une épée, en voulant frapper le démon c'est à lui même qu'il se fait du mal en la tenant à l'envers.
Voyons maintenant la deuxième scène. L'homme se retrouve tout seul, il prie. Je pense qu'il n'a pas trouvé tout seul la solution à son problème, que tourné vers le démon il n'a pas vu l'ange qui voulait l'aider ; son seul recours est de se tourner vers Dieu et d'implorer. La solution ne peut venir de lui, l'homme a besoin d'aide.
Sur la troisième scène, on retrouve les deux autres personnages. Mais la situation a radicalement changée : l'homme est maintenant tourné vers le côté divin. Le démon est plus petit : il a perdu de l'importance. Il n'y a plus de conflit, c'est la paix qui émane de la scène. L'homme tend la main à l'ange, et du coup il tend déjà aussi un peu la main au démon, peut-être sans s'en apercevoir.
Enfin, la quatrième scène représente la réconciliation de l'homme avec son côté obscur, sous la bienveillance de Dieu qui l'épaule. Le démon n'a pas l'air si méchant : il sourit. Il est content de pouvoir se relever et d'être accepté.
Evidemment, dans cette interprétation, le mot "démon" n'a pas le sens diabolique, sauf dans l'esprit de l'homme de la scène de droite qui veut le frapper. Le démon n'est pas le mal en soit, il est la face cachée de l'homme, qui ne demande que à s'exprimer en bien ou en mal ; il est l'inconscient de Freud, ou le Dr Hyde, par exemple. Le rejeter, c'est se rejeter soit-même. Mais on a besoin de nôtre côté divin pour l'accepter, on ne peut le faire tout seul.
Rappel article
Un blog comme les autres..
Réactions
1. brubru le 24-02-2005 à 00:04:32
Pas facile... Moi je préfère essayer de l'interprêter de gauche à droite car cela me semble très bizarre que l'histoire puisse aller dans l'autre sens (c'est ce que tu pensais d'ailleurs). Le démon est d'abord debout, il a une place importe dans la composition, ensuite il est à moitié baissé, (dans le 3 ?), et dans le dernier, il est à genoux, suppliant. Je verrai donc plus une vistoire sur le démon ? Ensuite sur les deux tableaux aux estrémités, c'est à chaque fois l'homme qui est à genoux fasse au diable (je ne crois pas que ce soit l'homme qui tienne une épée-crucifix à droite. En premier, l'homme est tenté par le diable mais Dieu qui est symbolisé derrière (je suis d'accord), veille sur lui en bon ange-gardien (tu as mis la main sur moi Ps138). En deuxième c'est étrange, on dirait deux hommes (avec toujours ce démon), mais plus de Dieu... Notre homme si c'est celui de gauche (vu que le démon est à ses côtés) donnerait à l'autre quelque chose (une aumône ?). (Mais c'est très bizarre... pas du tout convaincu). En troisième, il prie, pas de problème, en regardant de plus près, il me semble que c'est la vierge. J'ai l'impression qu'on voit un enfant sur ses genoux. Ce serait la vierge à l'enfant ? En dernier, l'homme et le démon se font face. L'homme a toujours l'air de prier vu qu'il est représenté avec les mains jointes. Et la personne qui menace le démon avec ? un crucifix, une épée, un sceptre...? on dirait que c'est une femme (elle a un voile, non ?). Est-ce que c'est la vierge invoquée au tableau précédent ? Ce serait le lien entre le 3 et le 4. Je ne vois pas trop de lien (le problème c'est le 2 où je vois deux hommes). Sinon, l'homme est tenté ; il fait le bien (malgré le démon) ; il invoque marie ; et hop elle le sauve du mal... Je trouve ça tiré par les cheveux... T'as fait un zoom (si possible) sur l'autre main de l'homme dans le second tableau (en partant de la gauche) ? Sous l'arche pour voir qui il prie ?
2. Legolas le 24-02-2005 à 00:12:26
en fait, c'est ce que j'aurai été tenté d'interpréter au dbut, mais deux choses principalement me semblent incompréhensibles : 1/ il y a plus de paix dans la scène de gauche que de droite, que je vois mal être l'aboutissement, 2/ le point principal gênant : l'épée ou le crucifix. Si c'est une crois, quelle façon bizarre et irrespectueuse de la prendre, surtout si c'est l'ange qui y est représenté ! De visu, j'était vraiment porté à croirre que c'est une épée. Mais alors celui qui la tiens doit se faire mal. Bref, bizarre pour une scène finale. PS : je n'ai pas la vierge en plus gros que l'image 3 agrandie quand tu cliques dessus.
3. brubru le 24-02-2005 à 00:20:59
J'avais cliqué sur les photos pour voir tout ça. Je suis d'accord avec toi sur le problème de l'évolution de l'ambiance de droite à gauche. Le démon a l'air vraiment bien à gauche, et ne poser aucun problème à Dieu qui est derrière. Est-ce Dieu qui laisse l'homme libre de choisir entre le bien et le mal ? Et un démon séducteur ? Sinon à droite, oui ce n'est pas très élégant de tenir ainsi un crucifix, ni conseillé de brandir une épée par la lame. De plus si le démon est effectivement chassé, il manque alors la scène finale. Par contre le coup de l'ange à droite ça me plaît (on voit (?) en effet une aile à droite). Ce serait l'archange Michel ?
4. Legolas le 24-02-2005 à 00:23:49
ouiii je n'avais pas vu le bout d'aile :) en tous cas, ca vaut le coup d'aller voir de visu la scène :)
5. brubru le 24-02-2005 à 00:26:26
tu as fait des photos de tous les portails comme ça ?
6. Legolas le 24-02-2005 à 00:28:46
non, seulement celui là qui m'intéressait, j'ai profité de l'appareil photo de elo cette après-midi. De toute façon, il n'y a pas autant de portail que ça, à part tout le porche avant bien sûr. Je ne suis pas sûr que le côté droit soit accessible (à vérifier).
7. mimitte le 27-02-2005 à 18:13:36
bonjour à vous les bloggers C'est sympa d'essayer de trouver l'explication d'une BD du Moyen age, mais on risque de se tromper en regardant les photos prises par legolas je n'ai pas abouti aux memes conclusions que lui j'étais plus proche des spéculations de brubru mais j'étais encore loin de la vérité j'ai retrouvé un vieux guide de Paris qui donne des explications. Il faut regarder les sculptures du portail dans leur ensemble: au trumeau, statue de la vierge tenant l'enfant Jésus au tympan, dans la partie inférieure, scènes de l'enfance de Jésus dans les 2 zones supérieures, histoire légendaire du diacre Théophile qui a passé un pacte avec le diable et qui en a été libéré par la Vierge. on trouve la légende du diacre Théophile en 1er article de google en tapant légende et Théophile.
8. brubru le 27-02-2005 à 20:24:03
Merci beaucoup Mimitte ! Sachant maintenant que nous avons affaire à la légende Théophile, on peut mieux comprendre la scène. La dernière bulle de la bande scultée étant le troisième niveau... J'ai trouvé sur le site de l'université suisse de Fribourg, un cours d'histoire de l'art commentant les étapes de la légende ici représentées : Première scène : « nous voyons à gauche Théophile à genoux devant le diable en mettant ses mains jointes entre celles du démon. Derrière Théophile se dresse le magicien juif ayant servi d'intermédiaire entre le diable et le prêtre. Le juif pose une main sur l'épaule du prêtre et tient dans l'autre le pacte scellé. » Deuxième scène : « Théophile riche distribue l'argent reçu du diable qui est placé derrière lui. » Troisième scène : « Théophile repenti est agenouillé devant l'autel de la Vierge. » Quatrième scène : « Marie sauve le prêtre en terrassant le démon avec une épée ressemblant à une croix. » Tout en haut : « L'évêque d'Adana montre à ses disciples le pacte qu'il tient entre ses mains et qui porte l'inscription carta Theophili » Quelques remarques : « Tous les acteurs sont jeunes, beaux et sereins. Même les diables se montrent civilisés: on pourrait les prendre pour de petits ours en peluche très gentils. Les acteurs de ce spectacle parfaitement monté se comportent avec aisance. On devine la gracilité de leurs corps sous leurs vêtements qui tombent en plis savamment ondulés. Une atmosphère de douceur règne sur cette histoire d'un prêtre succombant à la tentation du diable. Elle peut se justifier par le fait que Notre-Dame est présente dès le début (note de brubru : Notre-Dame présente au début... au premier niveau ?), de sorte que le Mauvais semble avoir perdu d'avance. » Finalement on avait pas tout faux...
9. JM le 27-02-2005 à 23:11:30
Le "mystère" (cette légende fut en effet un thème pour le théâtre religieux médieval) semble éclairci, mais il faut apporter une réserve au descriptif trouvé sur le site de l'université suisse de Fribourg : Théophile était : - selon la légende de théophile écrite par RUTEBOEUF vers 1260-1270 « trésorier de l'évêque » (cf texte sur le site http://www.jesusmarie.com/regamey_plus_beaux_textes_sur_la_vierge_marie.html) - selon Jean Le Conte, "maistre et gouverneur d'un esvesque" (cf texte sur le site http://www.uottawa.ca/academic/arts/lfa/activites/textes/leconte/jlec10.htm= - ou encore : « vicaire de l'évêque » d'Adana (http://www.unifr.ch/spc/UF/93fevrier/kurmann.html) , prêtre de Cilicie (Asie Mineure) (http://www.ddec.nc/Lycees/Blaise/theatre/theatre_religieux.htm) Seulement, à la fin du XIIe s. les conditions de vie des Juifs se dégradent et l'Eglise médievale passe du "divorce religieux au fantasme" : "les Juifs sont représentés comme assistés par les diables. Un Juif joue le rôle d'entremetteur dans la Légende de Théophile mise en scène par Rutebeuf. Théophile a donné son âme au Diable en signant un pacte, légende d'origine orientale qui se répand alors en Occident. La Vierge arrache son âme à l'Enfer in extremis en confisquant le parchemin." (cf http://www.eleves.ens.fr/home/mlnguyen/hist/med/juifs4.html). Renonçons définitivement à ces fantasmes : l’intermédiaire entre le démon et Théophile représenté par la statuaire ne serait-il pas tout homme lorsqu'il conseille ou se laisse conseiller par l'ambition (obtenir une charge), l'argent (trésorier !), la volonté de dominer les autres ... Une face cachée de tout être humain, prête à se laisser inspirer par le mal ou à inspirer le mal à son entourage. Remarquons que cette légende est représentée sur le portail nord, dit de la Vierge Marie. Cela pour nous rappeler que c'est l'intercession efficace de Marie (Comme aux noces de Cana) qui, suppliée par Théophile, l'aide et le libère du démon, du royaume du mal. C’est Marie le personnage principal de ces scènes !